mardi 2 février 2010

THEATRE DE VILLEPREUX - PRESENTATION DE SAISON - 22/01/2010

  
  
Vendredi 22 janvier, le Théâtre de Villepreux était plein pour la présentation de cette dernière « demi-saison » un peu particulière : les habitués, farouches défenseurs de la survie du théâtre, qui avaient déjà manifesté vigoureusement à l’occasion des vœux du Maire le 14 janvier (cf. les Nouvelles de Versailles du 20 janvier), les enseignants de Villepreux et des autres communes avec leurs élèves, prouvant, s’il en était encore besoin, le rayonnement du Théâtre de Villepreux au-delà des frontières de la commune !


En introduction, Jean François LEMETTRE, Président de l’Association du Théâtre de Villepreux a prononcé un discours d’une grande qualité que nous reproduisons ci-dessous in extenso.

Après la présentation des spectacles à venir jusqu’au 30 juin 2010, une large place a été faite au travail des ateliers à destination des scolaires petits et grands. A chaque fois, les enseignants ont insisté sur la qualité des ateliers et le bénéfice immense qu’en tiraient les enfants. Nous avons pu en juger grâce, entre autres, à la prestation des élèves du Lycée Sonia Delaunay, accompagnés de leurs professeurs de Français et d’Anglais, interprétant Shakespeare dans un anglais parfait.





DISCOURS DE JEAN FRANCOIS LEMETTRE
PRESIDENT DE L’ASSOCIATION DU THEATRE DE VILLEPREUX


Deux présentations de saison : cela peut faire riche. En fait, lors de la première, on espérait la seconde sans trop y compter. Et puis la bonne nouvelle : le spectacle continue …. Pour 6 mois. La vie s’est accrochée au Théâtre. La priorité aujourd’hui est qu’il aille au-delà de l’été.

Reste la question centrale : Villepreux a-t-elle besoin d’un théâtre ?

Villepreux n’a pas d’argent mais de multiples besoins : pour les enfants de crèches, d’écoles, des centre de loisirs ; de services pour une population qui vieillit ; d’entretien des voies ; de ramassage les ordures, de déneigement des rues ; et de bien d’autres choses encore.

Tout cela est vrai.

Alors pensez donc, le théâtre !

Et d’abord à quoi sert un théâtre ?

Disons le tout net : ce qu’on y fait ne sert à rien.



C’est en ne servant à rien que le théâtre accompagna l’apparition d’une pensée humaniste et de la démocratie dans l’antiquité grecque.
Grâce à lui la fiction tragique habille du charme de la poésie la cruauté de la vie.

C’est parce qu’il ne sert à rien que le théâtre du moyen âge participe à l’affirmation de la bourgeoisie urbaine.
Il s’émancipe là où le clergé le tolère et admet la « fête des fous » dans le lieu de la théâtralité officielle. Le lien entre le pouvoir éclairé et le spectacle est refondé.

L’Italie, cultivée et riche, a tout transmis et créé le reste. Le théâtre qui ne sert toujours à rien y donne à la farce ses lettres de noblesse. C’est la comedia del arte.

Le personnage emblématique est du pays de mes origines : le Til. Eulenspiegel, peut parler de tout à condition d’en faire rire … et de rester méfiant : le fou toléré par le pouvoir finit parfois pendu. On ne verra que plus tard qu’on peut rire de tout mais pas avec n’importe qui.
Mais au fait : Eulenspiegel ou Euerspiegel ou encore Euchspiegel ? Le miroir aux alouettes, le piège, l’espièglerie ou votre image, votre reflet ?

Shakespeare a inventé la tragédie moderne, celle des passions et du pouvoir, celui des rois et celui de l’argent. Il restera à jamais le meilleur avec ses Richard, ses Henri et ses Edouard à numéros, Roméo et Juliette, son Marchand de Venise et son Songe d’une Nuit d’été et combien encore.

Le théâtre accompagne la liberté de la parole, la formation d’une pensée critique. Il est véhicule de l’humanisme et de la liberté d’opinion. Il a donc ses débats, ses contradictions, la vie le traverse.

C’est bien ce que je disais : Le théâtre ne sert à rien.

Alors pourquoi donc un théâtre à Villepreux ?

Pourquoi un si grand bâtiment au milieu de la ville.
Quand on a tant besoin de parkings

Parce qu’il s’est inscrit dans les gènes de la ville

Une ville a une histoire. Villepreux a celle du village millénaire. Puis celle de la nouvelle ville dans laquelle s’est très tôt inscrit le Théâtre.

Que le théâtre de Villepreux soit le fruit d’une déraison, c’est indéniable. Ce fut celle de Roland Prédiéri qui avait compris qu’une ville aussi devait avoir une âme et que la culture en était un constituant essentiel.

Depuis 40 ans le Théâtre a connu bien des épreuves, des remises en question, mais il a survécu. D’ailleurs ceux qui lui veulent du mal ne parlent pas de le fermer mais de le mettre au service de tous. Comme si ce n’était pas déjà le cas. Ils parlent de nouveau projet.

Des projets il en a connu divers. Les seuls qui ont marché étaient dans la tradition qui puise aux origines : aux sources humanistes, d’une lecture poétique de la vie. Il faut savoir faire rire de ce qui est sérieux et faire sérieux avec ce qui ne le paraît pas.

La menace qui pèse aujourd’hui sur le Théâtre est sérieuse. On peut donc en rire mais pas seulement. Il est menacé comme spectacle mais aussi comme lieu d’accueil du spectacle. Or le lien entre les deux est fondateur, en témoignent les monuments qui nous sont restés de sa longue histoire depuis l’antiquité.
Indiscutablement le bâtiment a besoin de quelques travaux. Mais cela ne saurait être le prétexte de sa disparition.

Dans cette situation pleine de menaces ne renonçons pas. La solution intercommunale est la voie, la bonne voie. La démarche des maires n’a pas abouti. S’il y a e des maladresses on ne peut les imputer à celles et ceux qui ont soutenu le Théâtre parce qu’il les accueille et accueille leurs enfants. Puisque les élus sont dans une impasse, il nous revient de prendre le relai et de les en sortir. C’est ce que nous entreprenons.

En espérant que personne ne joue une pièce triste et que les volontés souvent affichées ne sont pas des artifices. Il n’est pas dit-on de bonne tragédie sans traître. Encore faut-il qu’il ne finisse pas par l’emporter. La bonne pièce qui comble les spectateurs est celle où les héros ne trahissent pas leur rôle et sauvent la belle princesse du méchant dragon.

Le théâtre en général, celui de Villepreux en particulier, sont des êtres précaires sans cesse recréés. Que chacun, pour ce qui le concerne participe à cette recréation.

Ainsi soit-il.


Jean-François Lemettre
Président de l’Association Théâtre de Villepreux
  
  
  

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