mercredi 20 janvier 2016

LA PUMA, la réforme de l'assurance maladie





Principales conséquences de l'introduction de la PUMA (à compter du 1er janvier 2016)
    Conditions d'ouverture de droits : Il n'est plus nécessaire de justifier d'une durée minimale de travail ou d'un certain montant de cotisations sur une période donnée pour bénéficier de la prise en charge des frais de santé. Désormais, l'affiliation sur critère d'activité professionnelle est acquise dès la première heure travaillée (hors étudiants).
    Statut d'ayant droit majeur : Il est progressivement supprimé. Une personne majeure peut désormais être affiliée en propre, sur critère d'activité professionnelle ou sur critère de résidence. Un ayant droit majeur au 31/12/2015 peut demander à  sa caisse d'assurance maladie d'acquérir le statut d'assuré.
D'ici 2020, ne subsisteront que :
    les ayants droit mineurs rattachés à leurs parents et
    les assurés affiliés en propre sur critère d'activité́ ou de résidence lorsqu'ils sont majeurs.
Les mineurs continuent d'avoir le statut d'ayant-droit si :
    ils sont à la charge d'un assuré,
    ils n'exercent pas d'activité professionnelle,
    ils n'ont pas demandé, à partir de 16 ans, une affiliation à titre personnel.
Le mineur de 16 ans ou moins qui poursuit sa scolarité dans un établissement secondaire ou des études dans un établissement de formation conserve sa qualité d'ayant droit (Il reste attaché au régime de ses parents).
    Personnes sans activité professionnelle : Les conjoints, concubins et partenaires d'un PACS, sans activité professionnelle, peuvent demander à être affiliés auprès de l'organisme dont relève leur conjoint qui exerce une activité professionnelle. En cas de divorce, séparation ou rupture de PACS, ils peuvent également continuer à relever du régime de l'ancien conjoint. Ce n'est pas le cas pour les personnes affiliées aux régimes spéciaux.
    Etudiants : La cotisation forfaitaire de sécurité sociale est due pour chaque période qui s'étend du 1er septembre au 31 août de l'année suivante.
L'étudiant qui a une activité professionnelle couvrant cette période est exonéré de la cotisation étudiante. Si il cesse de remplir les critères d'exonération au cours de la période, il deviendra redevable de celle-ci sauf si cette situation intervient au cours des derniers mois de la période. Son montant est alors réduit.
L'étudiant âgé de 18 à 20 ans est assuré à titre personnel  mais la cotisation de sécurité sociale au régime étudiant n'est due qu'à compter de l'âge de 20 ans, sauf si l'étudiant est boursier.
    Le maintien de droits : Le maintien de droits relatif à la prise en charge des frais de santé (anciennes « prestations en nature ») disparaît. Toutefois le maintien de droits aux prestations en espèces des assurances maladie, maternité, invalidité et décès continue de s'appliquer.
    La CMU-B : Du fait de l'universalisation des soins de santé, elle devient caduque. Elle permettait jusqu'à maintenant d'accorder une couverture de base à des personnes qui n'étaient couvertes à aucun titre (elles ne travaillaient pas, ne percevaient pas de pensions, n'étaient pas conjoints d'un assuré social, ou n'étaient pas en « maintien de droit » après avoir été assurées).
    Pensionnés du régime français, de nationalité étrangère et résidant hors de France : Pour cette catégorie de personnes, il n'est plus nécessaire de justifier d'une durée d'assurance d'au moins 15 ans et d'une carte de séjour « retraité » pour des soins immédiats lors de leur séjour temporaire en France.


Réforme de la PUMA : quelles incidences pour les personnes étrangères ?

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 procède à une importante réforme de la protection maladie et instaure, à compter du 1er janvier 2016, la « protection universelle maladie », dite « PUMA », dans un objectif de simplification et d'universalisation du système.
Les étrangers résidant régulièrement en France restent rattachés au nouveau système, dans des conditions encore mal définies.
Selon le nouvel article L. 160-1 du code de la sécurité sociale, issu de l'article 59 de loi n° 2015-1702 de financement de la sécurité sociale (LFSS), promulguée le 21 décembre 2015, « toute personne travaillant ou, lorsqu'elle n'exerce pas d'activité professionnelle, résidant en France de manière stable et régulière bénéficie, en cas de maladie ou de maternité, de la prise en charge de ses frais de santé ». Cette dernière notion de prise en charge des frais de santé se substitue à celle d'octroi des prestations en nature de l'assurance-maladie. La prise en charge est en outre prévue au profit non plus des « assurés sociaux » mais des « bénéficiaires » de la PUMA. Les travailleurs continueront toutefois, en tant qu'assurés, à percevoir des prestations en espèces contributives (indemnités journalières).
Une réforme entraînant d'importantes modifications...

Avec la PUMA, la protection maladie devient un droit personnel, attaché à la personne, en raison, soit de l'exercice d'une activité professionnelle, soit d'une résidence stable et régulière sur le territoire français. Les « portes d'entrée » dans la protection maladie, jusqu'alors multiples (travailleurs, assimilés, ayants droit, bénéficiaires de minima sociaux, bénéficiaires d'un maintien des droits, détenus, résidents stables et réguliers, etc.) sont donc réduites à deux.

Un tel dispositif, qui doit permettre de garantir la continuité des droits en réduisant a minima les démarches à accomplir pour être rattaché au système de protection maladie, emporte quatre conséquences principales :


-       la suppression du dispositif de la couverture maladie universelle (CMU) au titre de la protection de base (la CMU est cependant maintenue pour le volet complémentaire, à destination des personnes démunies) ;
-       

- la disparition progressive du statut d'ayant droit majeur, toutes les personnes étant couvertes en propre (CSS, art. L. 160-2, al. 2). En outre, à partir de l'âge de 16 ans, les mineurs pourront demander à bénéficier, à titre personnel, de la prise en charge des frais de santé (CSS, art. L. 160-2, al. 3) ;


-       - un contrôle renforcé de la résidence (CSS, art. L. 114-10-1) dans le respect de l'exigence du contradictoire (CSS, art. L. 114-10-3) et de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (CSS, art. L. 114-12-4) ;


-       - la fin du dispositif du maintien des droits, puisque, selon le nouvel article L. 161-15-1, « une personne ne peut perdre le bénéfice de la prise en charge des frais de santé en cas de maladie et de maternité que si elle cesse de remplir la condition de résidence mentionnée à l'article L. 160-1 ». Le maintien des droits est en revanche maintenu pour le service des prestations en espèces (CSS, art. L. 161-8).

L'exposé des motifs de l'article relatif à la PUMA dans le projet de loi indique que la réforme a pour « objectif d'achever le processus d'universalisation de la prise en charge des frais de santé ». S'agissant de la situation des personnes étrangères, l'affirmation doit être assortie d'une réserve générale. En effet, la PUMA ne met pas fin à la coexistence du régime de droit commun de la protection maladie et de l'aide médicale d'État (AME) réservée aux résidents étrangers sans-papiers dépourvus de ressources suffisantes.

...mais laissant des questions en suspens

La réforme de la protection maladie et la mise en place de la PUMA laissent pour le moment en suspens plusieurs interrogations s'agissant des personnes étrangères.

La première question est celle de la définition de la condition de résidence stable et, surtout, régulière. Jusqu'à présent, la conception de la régularité variait selon les trois principaux critères d'affiliation à l'assurance-maladie : critère socio-professionnel, qualité d'ayant droit, résidence (CMU). Tandis que des listes de titres et documents de séjour d'interprétation stricte étaient prévues pour les deux premiers critères, la condition de régularité était entendue largement en cas d'affiliation sur critère de résidence, au titre de la CMU, puisqu'une convocation en préfecture suffisait (Circ. DSS/2A/DAS/DPM n° 2000-239 du 3 mai 2000).

Le nouvel article L. 111-2-3 du code de sécurité sociale indique que la condition de régularité, du reste désormais inscrite à l'article L. 111-1, sera précisée par décret en Conseil d'État. Quant à la condition de stabilité, elle fait d'ores et déjà l'objet d'un nouvel article D. 160-2 inséré dans le code par un décret ° 2015-1882 du 30 décembre 2015. Comme dans le cadre de la CMU, elle s'entend en principe (et sous réserve de certaines exemptions) d'une présence préalable de trois mois sur le territoire.

La seconde question qui, contrairement à la précédente, ne semble pas avoir été anticipée par le législateur, concerne le maintien de la couverture dans l'hypothèse du non-renouvellement du titre de séjour ou encore de la possession par la personne étrangère d'un document de séjour précaire.

Dans un contexte de précarisation du séjour des étrangers en France, cette question est pourtant essentielle. Aligner la protection maladie sur la durée de validité du titre ou document de séjour, tout en supprimant le dispositif du maintien des droits (voir ci-dessus), pourrait donner lieu à des ruptures de droits, ce qui irait à l'encontre de l'objectif de continuité et de simplification poursuivi par la réforme de la PUMA. Les personnes étrangères seraient alors renvoyées vers l'AME, si tant est qu'elles ne dépassent pas le plafond de ressources applicable. Une telle situation aurait pour conséquence d'accroître les dépenses de l'AME mais également le nombre de personnes étrangères dépourvues de toute protection maladie pérenne.



Lola Isidro, Docteure en droit


Google Groupes "Egalité des droits sociaux pour les étrangers et précaires".

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